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française », disait finement Jules Simon. Il n’y a pas, en effet, que le français, langue de l’unité, idiome classique ; il y a aussi « les parlers de France », qu’on retrouve partout, anciens ferments, gisements indissolubles, fondations tenaces, mêlées au fond du sol à la poussière des aïeux. Et il est utile qu’il en demeure ainsi. À côté des grandes langues littéraires qui sont des océans, réduites aussi à quelques-unes comme les mers dont se baignent leurs pays mêmes, il est bon que survivent des patois, ces nombreux petits ruisseaux intérieurs où se mirent l’originalité des villages et la vieillesse intacte de chaque clocher.

C’est-à-dire qu’avec l’ancien parler de la race, subsiste aussi l’ancien esprit de cette race. C’est ce qu’a voulu Mistral pour sa Provence. Tout suit la langue : les us, les légendes, les antiques mœurs, les filons et les chansons, les costumes et les coutumes. On va revivre l’autrefois et aimer encore les champs. Est-ce que Mistral ne prêcha pas d’exemple, en restant dans son mas de Maillane, « au seuil où l’on jouait jadis », comme disait Brizeux qui, lui, fut infidèle un peu, épousa Paris, tout en continuant cependant à aimer sa Bretagne comme une mère… Lui aussi écrivit des chants dans le vieux langage celtique, rima en ce parler de France, populaire et si vieux, pour être entendu du peuple, toucher ses chers Bretons aux immenses cheveux.