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donc de l’inconscience. Trop d’intelligence nuit, car elle fait voir à l’avance les défauts, les inconvénients, les résultats. On pourrait dire, en parlant comme les Renanistes, que si Dieu n’avait été qu’intelligent, il n’aurait pas créé le monde !

M. France, lui, a créé, quoique critique ; car il fut critique aussi, et ses jugements littéraires du Temps forment plusieurs volumes. Et il a fait de la critique, comme il fit des romans. La sensualité est aussi ce qui la caractérise, puisqu’il lisait et louait les œuvres selon son meilleur plaisir. Il y a un vers ancien de M. Bourget, d’indication curieuse :

Ton charme adolescent me plaît comme un beau livre.

M. France, au lieu de dire ainsi à une femme : « Tu me plais comme un beau livre », semble plutôt, quand il parle d’un livre, sous-entendre : « Tu me plais comme une belle femme. » C’est que M. Bourget est un cérébral ; M. France, un sensuel. Sa critique en porte le caractère, qui est son originalité, comme tout le reste de son œuvre. Aussi M. Brunetière, lequel est un cerveau austère, n’aime pas qu’on aime, mais qu’on pense, au risque de verser dans les lieux com-