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il y a plus : M. France — et ceci va nous expliquer tout — y est né chez un libraire, qui l’a fait inscrire à l’état civil, sous le nom patronymique d’Anatole Thibaut. Le nom sous lequel il est célèbre n’est donc qu’un pseudonyme ? Pas tout à fait peut-être, et il est possible qu’il désignait déjà aussi son père, car nous avons trouvé une curieuse indication dans l’Angélique de Gérard de Nerval, lequel, vers 1851, parti à la découverte d’un rare manuscrit sur l’histoire du sire abbé comte de Bucquoy, après avoir inventorié toutes les bibliothèques, la Mazarine, l’Arsenal, les autres, raconte ceci : « Nous avions encore à visiter les vieux libraires. Il y a France Merlin, Techener. M. France me dit : « Je connais bien le livre. Vous pouvez le trouver par hasard sur les quais. » Je l’y ai trouvé pour dix sous. »

C’est sans doute par des renseignements et enseignements pareils que le docte libraire qui fut son père forma l’esprit de M. Anatole France, de complicité, bien entendu, avec le quai Voltaire, où s’écoulèrent ses jeunes années. Le talent d’un écrivain, quant à la sensibilité et à l’orientation, se fait surtout de ses souvenirs d’enfance. Dès vingt ans, on n’emmagasine plus d’impressions fortes. Imaginez donc les yeux d’un enfant, qui sera un artiste, s’ouvrant sur ce tableau incomparable : les royales architec-