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chise un peu brusque eût inquiété nos prudentes habitudes, et sa fille était si jolie, que les demoiselles du cru ne l’eussent regardée qu’avec méfiance. Elle n’avait pas encore vingt ans ; le portrait que tu vois là est d’une époque un peu postérieure. Mais on les prenait pour des oiseaux de passage, et tu sais que ces oiseaux-là, hirondelles ou cigognes, bénéficient toujours un peu de ce qu’on les sait passagers. Cependant un beau jour, le bruit se répandit que M. Marian venait d’acheter une maison de campagne, assez modeste, aux portes de la ville. Ce fut un événement ; on parla d’un mariage probable entre sa fille et l’un des fils Lesdiguettes. Cette rumeur ne se confirma pas. En revanche, peu de temps après son établissement, on annonça les fiançailles de Micheline et du vicomte Pierre. Je ne te raconte pas les commentaires dont cette nouvelle fut entourée, ni les déceptions qu’elle causa. Mme  d’Ormoise en fut atterrée. On affirma que la vieille comtesse n’aurait jamais permis un tel mariage, et que s’il pouvait se faire, c’est qu’elle venait d’être frappée d’une attaque de paralysie qui la privait de ses facultés. On blâma le comte Anthony, coupable de s’être laissé enjôler par « des gens qu’on ne connaissait pas ». Mlle  Éléonore prit des airs doucereux de personne qui en sait long et ne veut rien dire. Mais les