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rieures, pourvu qu’elles eussent rang sur le « livre d’or ». Seulement, pour marquer la nuance, ils invitaient beaucoup et ne sortaient guère. Et personne ne s’en offusquait. Les plus prétentieux, qui éprouvaient seuls le besoin de les excuser de cette réserve un peu haute, alléguaient leur grand âge. On disait d’eux :

— Ils sont si vieux !

Et l’on englobait, dans cette explication, les vingt-cinq ans du vicomte.

Parmi les personnes de leur intimité, je ne parlerai que de ceux dont le nom viendra dans mon histoire :

C’était, d’abord, Mme  d’Ormoise, une vieille dame dont il serait oiseux de te faire la généalogie, de trente ans plus jeune que la comtesse, dont elle semblait le lieutenant. Vive, alerte, pimpante, avec des cheveux gris en tire-bouchons, des allures de gendarme, elle était toujours en mouvement et se mêlait de toutes choses. C’était elle qui dirigeait l’opinion : force occulte indéfinissable, qui joue parmi nous un rôle important. Elle venait souvent chez mes parents, où l’amenaient des prétextes divers. Elle élevait une jeune nièce, nommée Alice, assez insignifiante, que son rêve ardent eût été de faire épouser au vicomte. Pour le réaliser, ce rêve ambitieux, elle déploya une ingéniosité prodigieuse. Mais il ne devait point aboutir.