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I


Philippe commença en ces termes :

Je t’ai dit déjà que cette jeune femme fut ma marraine. Elle est gracieusement mêlée à mes meilleurs souvenirs d’enfance. Elle a joué un grand rôle dans ma petite vie, le rôle qu’on prête, dans certains contes, aux bonnes fées ou aux belles princesses. Mon père était un homme laborieux et grave, qui ne s’occupait guère de moi : non par indifférence, mais par manque de loisir. Ma mère, souvent malade, m’aimait en tristesse, si je peux dire : c’était un être doux et craintif, d’une bonté trop timide pour être bien efficace, très inquiète d’observer les caprices de l’opinion, très sujette à s’effrayer de dangers imaginaires. Si mon père n’eût trouvé quelquefois le temps d’intervenir, elle m’aurait toujours gardé dans ses jupes en tremblant pour moi. Ma marraine fut donc le sourire, la grâce, la gaieté de mes premières années.

Les figures chères que la mort a em-