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— Seule !… Elle qui semblait si bien faite pour être heureuse !

Puis, passant d’un trait condamnation sur les événements des dernières années, elle ajouta :

— Heureusement qu’elle pourra compter sur beaucoup de sympathie.

Comme ma mère levait sur elle des yeux stupéfaits, elle ajouta :

— Ah ! je sais ce que vous allez me dire, chère madame !… Il y a eu des commérages, des malentendus, n’est-ce pas ?… Mais qu’est-ce qui reste de tout cela en présence d’un tel malheur ? Vous verrez, chacun comprendra son devoir, chacun s’efforcera de témoigner à la comtesse que son deuil est bien partagé.

Ma mère détourna les yeux sans répondre. Il y eut un silence embarrassé. Mme  d’Ormoise le rompit en reprenant, d’un ton insinuant :

— Pensez-vous qu’elle reçoive, chère madame ?

Je t’ai déjà dit que ma mère était une femme modeste et résignée, de celles qui n’ont dans l’âme aucune flamme sourde de révolte contre les gens ni contre les choses, qui acceptent sans critique ni colère les cruautés de la vie, ne s’irritant jamais contre les faiblesses humaines et trouvant volontiers que tout ce qui est, est toujours bien, et que tout le monde a tou-