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Je promis. Il ajouta :

— Tu me raconteras tout, tout ce qui t’arrive, tout ce que tu fais !

Ma marraine me recommanda d’être bien sage ; et j’étais si content de partir, que je ne m’affligeai point non plus en lui disant adieu.

L’hiver s’annonça très dur. Toi qui rentrais chaque soir dans ta famille, tu n’as jamais su le froid épouvantable qu’il faisait dans notre dortoir. À force d’y grelotter, je finis par me dire que le monde n’est point aussi beau que je me l’étais figuré. Je songeai à la maison paternelle, si bien emménagée pour résister à l’âpreté du climat ; et mon cœur s’ouvrit à des regrets plus tendres. Comme Anthony revenant de la plage, je m’attendris en pensant à là-bas, et là-bas, c’étaient nos rues silencieuses, la silhouette inquiétante du château, nos horizons de neige. La nuit, dans mon lit froid, j’évoquais les figures familières : mon père, rentrant affairé, entre deux visites, et me jetant au passage un mot d’amitié ou une tape sur la joue ; ma bonne mère, venant border mon lit qu’elle avait bassiné, — en contrebande, car mon père voulait qu’on m’élevât « à la dure », — puis, ma belle marraine et Anthony ; et je découvrais que je les aimais tous bien plus que je ne m’en serais douté, qu’ils me manquaient, que j’étais malheureux de ne plus les