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LES FANTÔMES BLANCS

— Non, ma chérie, tu seras notre bon ange là-bas ; mais tu seras sage, n’est-ce pas ? Marguerite n’est pas où nous allons.

— Mais je la reverrai, un jour ?

— Sans doute. Bob va s’en occuper, sois patiente…

L’enfant çassa la main sur son front.

— Ah ! oui, l’Indien qui apportait tes lettres chez Mme Bernier… je me souviens… Marguerite me parlait de lui…

Georges tressaillit ; Odette se souvenait… Oh ! non, ce n’était pas le moment de l’abandonner… Mais il lui restait une inquiétude :

— Le trajet ne sera pas trop fatigant ? demanda-t-il

— Bob m’a dit que tu possédais une voiture, nous allons la prendre et tu traverseras la rivière à gué, tu connais le passage. Nous traverserons les femmes en canot. La voiture peut nous conduire très loin, sois tranquille.

Georges mit dans la voiture tout ce qu’il voulait emporter et partit. Il devait attendre ses compagnons quelque part sur le chemin du roi, peu fréquenté à cette heure de la nuit. Odette et Angèle, chaudement vêtues suivirent de Seilhac, qui les conduisit sur la berge de la rivière.

Arrivé près d’un massif d’arbres, il siffla doucement. Aussitôt un carrosse, qui semblait surgir de l’ombre s’avança vers eux. Il était conduit par Bob, qui fit un geste d’étonnement en apercevant les deux femmes.

Philippe mit un doigt sur ses lèvres, et prenant Odette dans ses bras, il l’installa sur le banc du carrosse, à côté d’Angèle.

Georges les attendait sur la route. Il tendit la main à l’Indien :

— J’ai trouvé, près de moi, celles que vous cherchiez si loin, ami, dit-il à voix basse, mais on m’a de nouveau enlevé Marguerite.

— Laverdie ? demanda Bob.

— Laverdie est mort. On l’a trouvé sans vie près de la maison habitée par Mme Merville.

— Quel mystère se cache là-dessous ? murmura Bob pensif.

Odette s’approcha de lui.

— C’est vous qui nous apportiez les lettres de Paul, dit-elle. Vous retrouverez Marguerite, dis, monsieur Bob ?

— Oui, mademoiselle, avec l’aide de Dieu.

Odette, chaudement enveloppée, fut placée dans la voiture à côté de sa compagne. Le petit Breton monta sur le siège.

— Ça me connaît, de mener, dit-il à Philippe. J’étions le plus fin « meneu » (cocher) de cheu-nous ! N’ayez crainte, mon lieutenant, je vais rendre les dames à bon port.

On se mit en marche, éclairé par une splendide aurore boréale, dont les rayons capricieux traversaient le ciel en tous sens.

Odette s’était endormie. Les trois hommes suivirent la voiture en causant ; ils avaient tant de choses à se dire. La nuit passa vite, et le jour suivant les trouva au pied des montagnes qu’il fallait franchir pour arriver à leur destination.

Levaillant les attendait là avec le père Yves et deux autres chasseurs. Georges s’avança vers lui.

— Ne prononcez pas mon nom, dit-il à voix basse, en serrant la main du capitaine. Pour Odette, je suis Paul… Levaillant posa le doigt sur son front :