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fait des miracles. Deschartres se munit de tout ce qui était nécessaire et attendit que tout le monde tût couché. Il était déjà deux heures du matin quand la maison fut silencieuse. Alors il se lève, s’habille sans bruit, emplit ses poches de tous les instruments qu’il s’est procurés, non sans danger. Il enlève le premier scellé, puis le second, puis le troisième. Le voilà à l’entresol ; il s’agit d’ouvrir un meuble en marqueterie qui sert de casier et de dépouiller vingt-neuf cartons remplis de papiers ; car ma grand’mère n’a pas su lui dire où sont ceux qui la compromettent.

Il ne se décourage pas ; le voilà examinant, triant, brûlant. Trois heures sonnent, rien ne bouge… mais si ! des pas légers font crier faiblement le parquet dans le salon du premier ; c’est peut-être Nérina, la chienne favorite de la prisonnière qui couche auprès du lit de Deschartres et l’aura suivi. Car force lui a été, à tout événement, de laisser les portes ouvertes derrière lui ; c’est le portier qui a les clefs, et Deschartres s’est introduit à l’aide d’un rossignol.

Quand on écoute attentivement avec le cœur qui bondit dans la poitrine et le sang qui vous tinte dans les oreilles, il y a un moment où l’on n’entend plus rien. Le pauvre Deschartres reste pétrifié, immobile ; car, ou l’on monte l’escalier de l’entresol, ou il a le cauchemar ; et ce n’est pas Nérina, ce sont des pas humains. On approche avec précaution ; Deschartres s’était muni d’un pistolet, il l’arme, il va droit à la porte du petit escalier… mais il laisse retomber son bras déjà élevé à hauteur d’homme ;