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« Il est midi, l’heure où l’on voit tout ! Regardez cette femme qui descend les marches de son perron. Elle a les cheveux grisonnants sous son petit chapeau de paille ; elle est toute seule, elle se promène au soleil, doucement ; elle contemple son horizon vulgaire : elle écoute les bruits vagues de la nature ; elle s’amuse à suivre de l’œil les nuées… Elle cause avec le jardinier ; elle se penche pour respirer ses fleurs qu’elle se garde bien de cueillir ; elle s’arrête, elle écoute ! Quoi ? Elle n’en sait rien elle-même ! quelque chose qui n’est pas encore et qui sera un jour. Elle s’assied sur son banc de pierre. Elle ne bouge plus. La voilà fondue dans l’immensité, la voilà plante ? étoile, brise, océan, âme ! Elle se souvient ! Elle devine ! Tout ce que l’on entend au milieu des flots, elle l’entend sous son dôme de lilas, et les oiseaux, et les tempêtes, et tout ce qui chante, et tout ce qui pleure, et tout ce qui rit. Elle va errer, regarder, écouter ainsi, sans bien savoir ce quelle accomplit, somnambule de jour, et, à mesure que l’ombre gagnera la plaine — comme ces plantes qui se sont imprégnées du matin au soir de rosée et de rayons, de pluie et de soleil, et qui ne s’ouvrent et n’exhalent leurs parfums que la nuit, — la nuit, cette femme restituera au monde de l’âme et de l’esprit tout ce qu’elle a reçu du monde matériel et visible ; car, cette femme, elle pense comme Montaigne, elle rêve comme Ossian, elle écrit comme Jean-Jacques[1]. »

À côté de la brillante page d’un admirateur, veut-

  1. Alexandre Dumas fils, Préface du Fils Naturel.