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trompé la masse des lecteurs. Ceux-ci ont mis à part quelques très beaux romans de passion, comme Valentine, le Marquis de Villemer, Mauprat, Jean de la Roche, ou quelques fantaisies charmantes, comme Téverino, l’Homme de neige, le Secrétaire intime ; ils ont encore gardé un goût vif pour certaines œuvres qui combinent en un mélange exquis l’art, le symbole, et l’âme des temps passés, comme Jeanne, Nanon, les Maîtres mosaïstes, et nombre d’autres. Mais ils ont placé par-dessus tout, comme des chefs-d’œuvre d’une espèce exceptionnelle et unique de notre langue les romans rustiques, la Mare au Diable, la petite Fadette, les Maîtres sonneurs, François le Champi. C’est qu’ils ont senti là tout ce qu’il y a de simple et de génial dans l’esprit de George Sand, tout ce qui la rapproche de cette nature au point de ne faire qu’un avec elle. Sous ce rapport on ne peut la comparer qu’à Homère, tant elle sent au lieu d’écrire. C’est une voix plutôt qu’une parole ; c’est le chant spontané de la nature douée d’organes. Il semble que pour l’exprimer il ait fallu pénétrer l’âme de la plante, de l’arbre, de la rivière, se sentir à son tour ruisseau, chêne ou buisson. Et cela est réellement arrivé à George Sand. Elle s’imprégnait des choses, elle s’imbibait en quelque sorte de la vie végétale. Cette vague métempsycose des Sept cordes de la Lyre, elle en sentait sourdre en elle les effets ; cette énigmatique figure de Jeanne, dans le roman de ce nom, cette sorte d’Isis gauloise et chrétienne, c’est elle, on n’en peut douter. Voici comment la dépeint un écrivain qui l’a bien connue :