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d’une George Sand enfants ! Et de quoi peut dépendre le sort des grandes intelligences ! Il suffisait d’une source empoisonnée rencontrée en chemin parmi tant d’autres pour que le siècle fût privé de deux de ses premiers écrivains. Cependant Maurice Dupin, sa femme enceinte et sa fille arrivaient sans encombre à Madrid. L’enfant échangeait sa carriole poudreuse pour le palais du Prince de la Paix ; pour jouer, elle avait les joujoux abandonnés par les infants d’Espagne en fuite. Elle voit le brillant Murât, le chef de son père, étincelant comme un soleil, et elle le prend pour ce le prince Fanfarinet » de ses féeries. La guerre offre d’abord des décors d’opéra. Travestie en hussard, et chamarrée sur toutes les coutures, la fillette revêt son premier déguisement, est appelée par Murât a mon petit aide de camp ». Mais voici l’autre aspect : Murât malade et hurlant de douleur dans le palais solitaire, l’Espagne en feu, l’embuscade au coin des rues, le poignard et le poison partout, la retraite à travers des jonchées de cadavres, la faim, la soif, la fièvre, la gale. Échappées aux bandes fanatisées qui tiennent la campagne, mère et enfant sont trop heureuses de manger certain soir de la soupe de chandelles au bivouac français. Elles gagnent enfin la côte, s’embarquent, et n’abordent sur notre sol qu’après l’épreuve d’un naufrage en vue de la terre ferme. Nohant les revoyait enfin, hâves, épuisées. Cette terrible année 1808 leur ménageait d’autres tristesses. Le 8 septembre mourait le petit frère aveugle, Louis, né en Espagne, et, huit jours après, le 17 septembre, Maurice Dupin était tué