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une fée, une voix charmante, un goût naturellement artiste, et des fusées de jeunesse et de gaité troublées par des bourrasques sans sujet, des jalousies et des furies subites. Cette enfant de la balle avait tout ce qu’il fallait pour séduire Maurice Dupin, pour heurter violemment sa mère, et pour préparer aux enfants qui vivraient entre ces deux femmes l’éducation la plus incohérente et la vie la plus malheureuse. Le mariage en effet se fit contre la volonté de la mère de Maurice ; elle finit par s’y résoudre, elle ne s’y résigna jamais : une jalousie terrible s’enflamma bientôt entre la mère et l’épouse, envenimée de mépris d’un côté, et de haine de l’autre. Le mari une fois disparu, ainsi qu’un petit frère de George Sand né aveugle et mort en bas âge, l’enfant unique qui survécut resta en proie aux tiraillements de deux passions rivales. Son éducation offrit un champ de bataille naturel, où l’âme de la fillette, torturée par deux affections aux prises, recevait des blessures des deux côtés. Elle connut, dans l’âge le plus tendre, le désespoir, l’exaltation, la révolte. Elle vit autour d’elle la haine dans l’amour, elle ressentit elle-même la révolte dans le respect, et le soupçon dans la tendresse. Comme Jean -Jacques Rousseau, une précoce expérience des passions la prédestinait à les peindre dans toute la vivacité de leurs égarements.

Les années de sa première enfance s’écoulèrent pourtant heureuses. C’est le privilège d’un âge qui ne sait pas encore sentir. George Sand en a raconté les aventures déjà romanesques avec ce charme qu’elle devait répandre ici plus qu’ailleurs. Qui n’a été une