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exposition de la théorie de l’amour

non de l’ἔρως, mais de la φιλία, en général. Cette recherche présente tous les caractères de la méthode qu’on appelle socratique.

Socrate ne sait même pas comment un homme devient l’ami d’un autre homme et, usant de l’ironie[1], il feint de s’en instruire auprès de Ménéxène, l’ami de Lysis.

§ 4I. Est-ce celui qui aime qui est l’ami, ou bien celui qui est l’aimé ? Ou bien n’y a-t-il, à cet égard, entre eux aucune différence ? — 1) Cette dernière solution doit être écartée, car il arrive souvent que l’amitié d’un homme pour un autre ne soit pas payée de retour, et même que la haine réponde à l’amitié. Quand donc il n’y a pas réciprocité, à qui donnera-t-on le nom d’ami ? Est-ce à celui qui aime, ou bien à celui qui est aimé, mais n’aime pas ? Ou bien encore ne le donnera-t-on ni à l’un ni à l’autre ? — 2) Faut-il donc changer d’avis et dire qu’il n’y a pas amitié du tout, quand il n’y a pas réciprocité ? Mais cette thèse conduit à des conséquences si manifestement absurdes qu’il faut l’écarter à son tout : on en viendrait alors en effet à croire que celui qui aime n’est pas lui-même l’ami de ce qu’il aime, que, par exemple, celui qui aime les chevaux, n’en est pas l’ami, parce qu’il n’en est point aimé en retour. Donc, que l’objet aimé donne ou ne donne pas l’amitié en échange de l’amitié, il n’en est pas moins ami, de même qu’on appelle ennemi celui qui est l’objet de la haine, non celui qui l’éprouve — 3) Mais d’autres conséquences déraisonnables apparaissent, par contre, immédiatement. Si, en effet, il en est comme on vient de dire, alors vous pourrez avoir pour ami celui qui vous hait, puisqu’il est, par hypothèse ami de celui dont il est aimé et, pour la même raison, vous vous trouverez à être haï par celui qui, d’après l’hypothèse, doit être appelé votre ami. — Bref ces deux définitions générales opposées sont également précipitées. Il convient de dire, en effet, comme nous l’avons fait tout à l’heure, que souvent nous avons de l’amitié pour ceux qui ne nous aiment pas et même nous haïssent, et que,

  1. Lysis, 212 A : … ταῦτα δὴ αὐτά σε βούλομαι ἐρέσθαι ἅτε ἔμπειρον.