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LES MENDIANTS DE PARIS

La vieille femme s’était cependant placée à quelque distance de Pasqual, de manière à pouvoir porter ses regards sur lui, autant que l’obscurité le lui permettait, pendant le récit qu’elle avait à faire.

Ainsi, après s’être entretenue encore quelques instants avec son compagnon, Jeanne lui raconta les événements qu’on va lire.

Mais au lieu de laisser cette narration dans la bouche de Jeanne, nous sommes obligé de prendre la parole, afin de retracer les circonstances de cette histoire d’une manière plus rapide et plus exacte, en retranchant les expressions de plaintes et de regrets qu’y mêlait souvent la pauvre femme, et en ajoutant, pour plus de clarté, des détails qu’elle ne pouvait connaître.


I

récit

Un vieux jardinier maraîcher, nommé Augeville, habitait le petit village du Bas-Meudon, à deux lieues de Paris.

L’enclos du terrain qu’il possédait sur le rivage montueux et boisé de la Seine occupait un enfoncement abrité dans l’ondulation de la colline. Au-dessus régnait l’amphithéâtre de riche verdure où les arcs du chemin de fer figurent un fragment d’élégante colonnade ; au-dessous s’étendait la pelouse déroulée jusqu’au rideau de saules qui suit la majestueuse étendue du fleuve.

Une claire-voie mêlée de haies vives fermait le jardin, donnant d’un côté sur la prairie, de l’autre sur la route qui passe à mi-côte. Dans l’exposition la plus favorable, le potager fructifiait admirablement, et les plates-bandes, peu fleuries, mais d’une luxuriante verdure, qui étendaient leur ligne droite entre les pieds d’arbres fruitiers, offraient un produit glorieux pour l’horticulture.

Outre le maître jardinier, deux personnes avaient la complète jouissance et propriété de cet enclos : c’étaient Pierre, le fils du vieil Augeville, et Marie, qui, du plus loin qu’elle se souvenait, travaillait cette terre à la journée.

Marie était un de ces enfants trouvés, mis en nourrice dans les campagnes, sans ressources, sans soutien après leur année de sevrage, et devant, dès qu’ils peuvent se tenir sur leurs jambes, marcher seuls dans la vie.