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LES MENDIANTS DE PARIS

Mais ensuite, fatiguée d’émotions qui n’allaient pas à sa nature, elle les jeta de côté subitement.

Elle s’était un moment élevée au-dessus d’elle-même ; par une vive réaction, elle redevint plus enfant et plus évaporée que jamais. Elle battit des mains avec joie, et poussa de grands éclats de rire d’avoir fait la conquête du beau monsieur.

Puis avec un geste de crânerie :

— Ah bah ! c’est égal, dit-elle, j’aime mieux Pasqual.


XIII.

le pavillon

Le lendemain soir, Robinette, parée de ses plus beaux atours, sortait à six heures pour arriver à huit à l’hôtel de Rocheboise. Il y avait une demi-heure de chemin pour aller de chez elle à la rue Las-Cases, le reste du temps était consacré à se promener dans la rue : dans la rue, salon des pauvres filles, où le luxe les entoure dans les devantures des boutiques, où elles peuvent voir et être vues, et où Robinette en particulier trouvait un agrément infini.

Elle allait d’un pas léger et la tête au vent, lorsqu’auprès du Luxembourg, elle rencontra mademoiselle Rose et la mère Jeanne qui rentraient ensemble.

La petite vieille aux rubans verts, à la mine éveillée, là pimpante mademoiselle Rose, donnait le bras à la pauvre Jeanne, qui inclinait sa tête pâle et abattue sous l’ombre de sa coiffe noire.

— Où vas-tu, fillette, que te voilà si bien endimanchée ? demanda la première à Robinette.

— Je vas prendre un peu l’air… en attendant l’heure de me rendre à un domicile… où je ferai peut-être une fameuse recette…

— Au lieu de flâner dans les rues, viens un moment dans ma chambre, reprit la bonne tante ; tu as envie d’apprendre à lire, et c’est une louable pensée de ta part ; je te donnerai ta première leçon.

— Tiens, dit Jeanne, j’avais pensé, en voyant mademoiselle Robinette, qu’elle allait m’accompagner à mon cinquième et faire un bout de conversation avec moi.