Page:Robert - Les Mendiants de Paris, 1872.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
LES MENDIANTS DE PARIS

— Mais nous vouloir juger des moyens, dit impérieusement Corbeau.

— Pardi ! rien de plus facile, répond le Cafre ; Jupiter n’a qu’à aller montrer sa figure au jeune monsieur, et il donnera beaucoup d’argent à lui.

— C’est drôle, remarque Eustache ; si j’étais riche, j’en donnerais pour ne pas la voir.

— Pas de plaisanteries quand on parle d’affaires, dit Corbeau.

Puis, s’adressant au nègre, il ajoute :

— Vous êtes donc d’anciennes connaissances, ce beau seigneur et toi ?

— Jupiter veut pas dire plus ; Jupiter sait comment le monsieur donnera à lui, ça suffit.

— Non, morbleu ! ça ne suffit pas ; il faut encore que Jupiter partage l’argent avec nous, dit Corbeau, que les autres mendiants approuvent du bonnet.

— Puisque c’est convenu, répond le Cafre en grondant.

— Port bien. Et à quand l’opération ?

— Ah ! faut donner à moi le temps d’y penser.

— Si tu retenais un denier de la somme, ajoute le vieux Satan avec un regard sinistre, je le saurais, et il t’en coûterait gros.

— C’est assez dit.

— Tu viendras nous rejoindre après-demain au soir au Trou-à-Vin ; nous ferons le partage en petit comité.

— Et si l’affaire, est bonne, dit un bon compagnon, on boira à ta santé.

— Ah ! cette fois, s’écria Godois, je voudrais bien…

— Manger du lapin !… animal… Ce n’est pas de cela dont il s’agit ; il faudrait seulement qu’il n’y eût pas d’orage.

— Ça étourdit ; on ne sait pas ce qu’on fait ; nous étions tous sous la table.

— Et vous disiez que c’étaient des coups de tonnerre, remarque le président… oui, de Tonnerre en bouteille.

— N’importe, dit l’économe Jean-Marie, l’orage nuit toujours ; la dernière fois, en a porté ses dégâts sur notre compte, et ça revient trop cher.

— C’est bon, on commandera le temps après le menu du souper.

— Après-demain donc ! s’écrièrent tous les mendiants.