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LES MENDIANTS DE PARIS

telligence, eurent l’idée de se demander de quelle manière Jupiter transporterait la belle captive.

— Mais, dans ses bras, dit-on.

— Non, remarqua gravement Hector, cela ne serait pas convenable ; il faut qu’il prenne la voiture…

— Tu entends… Jupiter ? fais atteler et pars.


V

Pendant ce temps, la soirée, s’écoulait douce et sereine au jardin d’Augeville.

Les trois personnes qui l’habitaient étaient réunies dans le pavillon de plaisance de l’enclos, qui était tout simplement l’auvent du puits, à l’ombre duquel on allait se reposer à la veillée et prendre le frais.

La toiture rustique de ce puits, portée sur de légers soutiens, garnie et festonnée de pois-fleurs, de liserons, de clématites, découpait sa couronne légère sur le ciel d’un bleu clair, argenté par la lune ; les guirlandes dont ce petit fronton était décoré, ; plus gracieuses, plus suaves que tout ornement de sculpture, se balançaient à l’air du soir et versaient des flots de douces senteurs.

La large margelle, usée par la chaîne, servait de banc de repos-ayant d’un côté les instruments aratoires disposés en trophées, de l’autre le grand baquet où trempait la verdoyante récolte de la journée. Une fraîcheur exquise arrivait de la source vive, prenant à son passage l’arôme balsamique des giroflées et des lichens qui tapissaient ses parois.

Le père Augeville, assis sur la margelle, les bras, et les jambes croisés, savourait le repos avec la sensualité des bons travailleurs.

Pierre et Marie contemplaient les magnifiques bottes de légumes qui attendaient la brouetté du messager, cette masse de verdure coupée des plus belles couleurs rose et orangée. Ils admiraient la richesse de leurs produits et se miraient dans leur ouvrage.

Ils pouvaient, en effet, y voir leur image : la destinée de ces bons cultivateurs était modeste et bienfaisante, comme les plantes qu’ils faisaient naître ; c’était la vie obscure et utile, le repos de l’âme dans le travail, l’ambition évanouie devant les simples biens.

En ce moment, ils étaient calmes et souriants comme l’azur du ciel. Marie, n’ayant plus entendu parler de