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BERTHE AUX GRANDS PIEDS

Ils rêvent doucement à l’absente. Leurs yeux
Tristes évoquent d’elle un geste, une attitude.
Ayant mêmes regrets et même solitude,
Ils parlent d’elle encor, bien que silencieux.

Dix ans qu’elle est partie aux pays étrangers !
Et depuis, sans espoir et presque sans nouvelle,
Ils savent seulement le peu que leur révèle
Le va-et-vient tardif de rares messagers.

Elle, qu’ils ont bercée au creux de leurs genoux,
Elle, jadis si frêle, elle est peut-être grasse !
Ses deux maternités ont pu faner sa grâce,
Cerner d’un bleu meurtri ses yeux calmes et doux.

Tels ils rêvent, le soir, et pleins des jours anciens,
Ils s’évadent tous deux hors du présent sans joie,
Et Blanchefleur soupire : « Il faut que je la voie !
J’ai rêvé l’autre nuit qu’elle me disait : Viens !