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si saint Pierre sur lui-même après sa faute. Ceux qui pleurent ainsi sont seuls bienheureux et non point ceux qui pleurent à cause de ce qu’ils ont perdu, biens ou êtres humains.

Quelques exemples profanes se glissent bien encore, il est vrai, dans le Commentaire ; il ne pouvait en être autrement pour un humaniste, mais cependant, ils tiennent fort peu de place à côté des autres. D’autres fois, c’est l’apologiste qui se révèle, lorsque Naogeorgius pénètre jusqu’au fond du dogme chrétien, montrant comment ce dogme couronne le stoïcisme, ou plutôt comment il explique Épictète lui-même (1). Épictète vient de rappeler qu’avant d’entreprendre quoi que ce soit, il faut penser à ce que l’on va faire, et dès le principe, se dire « Je veux maintenir ma volonté en conformité avec ma nature. » Le Commentaire cherche à pénétrer ce qu’est cette nature à laquelle nous devons nous conformer. Or, d’après le dogme chrétien, cette nature n’est point celle qui est nôtre en ce moment, mais celle que Dieu nous avait donnée avant la chute il nous avait faits vertueux et bons. Revenir à notre nature, c’est donc revenir à notre première nature, à celle que peut nous rendre la grâce, lorsque nous « revêtirons par la foi l’homme nouveau », comme dit l’apôtre Paul. Dans certains passages, le traducteur semble se souvenir de la paraphrase du Manuel. Épictète nous parle-t-il de l’appel de Dieu et du grand voyage (2), c’est pour Naogeorgius non seulement l’appel final, mais celui de notre vocation; que ce soit celle de magistrat ou de prêtre, il nous faut toujours entendre l’appel, car Jésus dit, en effet « Qui aime sa mère, ses biens plus que moi, n’est pas digne de moi. »

Enfin, ce Manuel, si fécond en développements chrétiens, a parfois même l’avantage de servir le protestant sectaire.

(1) Op. cit. : « Deus fecit hominem rectum (inquit Salomon in Ecclesiaste, 7), non viciosum. Haud dubie tum rectus homo etiam beatus erat. Quocirca nos si cupimus esse beati, ad naturae rectitudinem redeundum est, quod D. Paulus vocat induere novum hominem qui secundum Deum creatus est. Reditur autem per fidem et virtutis studium » (p. 52).

(2) Ibid. « Non solum autem de vocatione ad mortem hoc intelligendum sed potest etiam de aliis intelligi vocationibus » (p. 76).