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HÉLÈNE ET MICHEL

— Parce que ? demanda Hélène.

— Ça, c’est une autre nouvelle. Et c’est un secret. Pas un mot à personne. … Je m’en vais à Montréal.

— À Montréal ? Pour combien de temps ? Pour longtemps ?

— Pour tout le temps.

Michel et sa mère se regardèrent stupéfaits ; le fils ébloui, la mère visiblement quelque peu soucieuse.

— Comment, monsieur Lacerte, vous allez quitter Louiseville ?

— Ah ! ah ! Vous êtes surpris, hein !… Mais j’ai décidé que pour mes affaires il me fallait un bureau à Montréal. Je viendrai à Louiseville toutes les semaines.

Hélène paraissait troublée ; Michel comprit que sans guide elle se sentirait perdue. Depuis longtemps monsieur Lacerte avait été si bon pour eux. Mais ce dernier continuait de sourire. Ce fut la mère qui parla et Michel fut heureux qu’il fût enfin question de lui :

— Et Michel dans tout cela, votre filleul. Vous… aviez parlé… de le prendre avec vous.

Parrain cette fois se tourna vers le jeune homme dont jusque-là il semblait avoir presque ignoré la présence.

— Tu ne pensais pas tout de même que ton parrain allait t’oublier ! Hein ? mon Michel ! Ah ! non, pas moi ! Dans le temps j’avais pensé te prendre à mon bureau comme… assistant. Si tu avais eu de l’expérience, tu aurais pu voir à mes affaires pendant que j’aurais été à Montréal. Mais tu ne connais encore rien aux affaires

— Alors, mon oncle ?

Ce qui gênait Michel était que la vie de sa mère fut si facilement organisée tandis que la sienne paraissait être un insoluble problème. Toutefois parrain le regardait en souriant d’un air taquin. Il se sentit rassuré.

— Michel… tu vas entrer à la banque.

— À la banque !

Michel n’en croyait pas ses oreilles.

— Oui, à la Banque des Marchands. J’ai vu le notaire Jodoin, le gérant. Il va te prendre pour me faire plaisir. Tu comprends, je suis un assez gros client !

— Mais je ne suis pas trop jeune, mon oncle, pour la banque ?

— Mais non. Ils en prennent de plus jeunes que toi. Tu as dix-sept ans, non, dix-huit.

Michel se sentait un peu étourdi ; tant de choses en si peu de temps.

Chaque heure qui passait amenuisait sa terreur que le calme nouveau de la maison aidait à effacer. Hélène s’était reprise à chantonner par