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CHAPITRE

XIV


DEVANT la glace pendue à côté du téléphone » Jocelyne ajustait son chapeau en ayant soin de faire coquettement bouffer les cheveux sur les oreilles.

— Tu sors ?

— Oui, papa. Je vais rencontrer Adrien Léger. Mais je ne rentrerai pas tard.

— Écoute, Jocelyne, intervint Hermas Lafrenière du fond du divan où il fumait son cigare d’après-dîner. Si tu veux, je peux te reconduire. J’allais justement partir tout à l’heure.

— Non ! Non ! Je ne veux pas vous déranger. Ce n’est probablement pas le même chemin. Je vais tout simplement prendre le tramway.

Mais Lafrenière insistait. Cela avancerait un peu l’heure de son départ ; on l’attendait.

— Allons, viens-t-en. Je t’emmène.

Et sans plus attendre il appela par téléphone un taxi.

— Mais je ne vais peut-être pas du tout du même côté que vous ?

— Toi ?

— Vers l’est. Et vous ?

— Euh !… je descend. Puis je prends la rue Sherbrooke, justement.

— Alors, c’est bon. Je vous attend.

— J’ai à voir… quelqu’un… à propos d’une affaire. Un contrat à discuter. Des machines pour la Cariboo Mining.

Qu’après avoir nagé dans le vague Hermas se mît à donner des précisions fit sourire Garneau, son hôte. Le départ hâtif de son ami était chose entendue ; il devait s’en aller sitôt sorti de table. Quant à deviner où il se rendait et quel était son « quelqu’un », il n’était rien là d’impénétrable. Lors de son dernier passage à Montréal, Garneau lui avait présenté Josette Dallin. Les deux s’étaient tout de suite accordés. D’ailleurs, si à Robert Hermas n’eût pas fait de cachette ridicule, devant Jocelyne il se sentait moins à l’aise et se voyait instinctivement obligé à une dissimulation pourtant gratuite.

Ses intérêts lui faisaient faire à Montréal des séjours brefs bien que assez fréquents. Quant à sa femme, Marie-Claire, ses multiples occupations

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