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LE POIDS DU JOUR

— Tiens, je pensais que tu serais resté à Louiseville comme gérant. Michel ne répondit pas directement. Il tenait de l’un des inspecteurs que le gérant était nommé ou à peu près : un homme des Trois-Rivières, autrefois de Louiseville, il était vrai.

— Oh ! maintenant que… je suis seul, je ne laisserai pas passer une occasion si elle se présente. Je veux faire des affaires. Pas celles des autres, mais les miennes. La banque, c’est un apprentissage ; ce n’est pas un avenir.

— Alors tu ne penses jamais plus… à la musique ?

Michel se leva brusquement ; il sourit durement d’un sourire aigre et tordu :

— Monsieur Lacerte, je ne veux plus entendre parler de cela, jamais, vous m’entendez…

Il se rendit compte que sa voix tremblait de violence et il ajouta :

— … sauf le respect que je vous dois. Mais jamais, au grand jamais ! Rappeler ça ; c’est rappeler… mon… père. Et celui-là !…

— Bon, bon ! Ne te fâche pas. Malgré que…

Il y eut un silence. Puis il demanda à son parrain des nouvelles de ses affaires à lui.

Lacerte s’était lancé dans cette histoire de confiserie, biscuits et bonbons, dont il avait parlé naguère. Il espérait beaucoup de cette entreprise où il avait engagé tout ce qu’il avait pu réunir de son capital.

Mais une fois l’affaire sur pied, il se présentait quelques difficultés imprévues. La mise en train avait été plus coûteuse que son associé et lui n’avaient escompté. Si bien qu’il leur restait peu de disponible pour assurer le roulement. Le succès était assuré, les commandes étaient même passées ; mais tout pouvait s’effondrer si l’on ne parvenait à trouver les fonds nécessaires.

— Sais-tu Michel que tu pourrais m’aider. Je me suis adressé au bureau-chef de la Banque des Marchands. Ils étaient prêts à me consentir des avances, car mon affaire est excellente. Ils s’en rendent compte. Mais le gérant des Prêts me connaît peu ou pas.

— Vous savez, mon oncle, je ne demande pas mieux que de vous aider. Évidemment, je n’ai pas grand’chose. Maman avait un peu d’argent a la banque ; assez même. Mais les frais de maladie… Et quand j’aurai payé le service et l’enterrement, il me restera peut-être trois cents piastres, pas beaucoup plus.

— Non, non, Michel ! D’ailleurs tu penses bien qu’il s’agit d’un assez gros montant. Trois ou quatre mille piastres. Mais si tu allais à Montréal, par hasard, et que tu voyais les gens du département des emprunts, au