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l’étranger

une fois de plus sur le même objet de plus en plus agressif à ma curiosité, je fis montre d’audace. Je fus récompensé. Car j’en obtins l’étonnant récit qui va suivre et dont je garantis, sur sa foi, l’authenticité absolue. D’ailleurs je ne suis pas sûr que plusieurs d’entre vous… Mais vous verrez.

« Quelle fouine vous êtes, mon pauvre Ringuet. Et quand aurez-vous fini de fourrer votre grand nez dans mes affaires ! (Mais même railleusement, il souriait.) Pour avoir la paix et aussi parce qu’elle est si belle qu’il serait regrettable qu’elle se perdît, je vais vous raconter une histoire, mais une histoire ! Elle sera longue, mais vraie, d’un bout à l’autre. Pour une fois, sachez écouter.

« Ce n’est pas d’aujourd’hui que cette coupe vous agace. Et moi donc ! elle encombre mon appartement. Pourtant…

— J’allais justement…

— Si vous parlez tout le temps, je me tais !

(Évidemment je me tus. Je flairais quelque chose qui valait la peine. Il se leva et sortit du fond du rayon la « coupe », souffla dessus pour chasser la poussière qui tourbillonna sous la lampe puis posa l’objet sur la table de travail. La lumière qui tombait irisait le bibelot d’un éclat bizarre qui me fascinait.)

« Savez-vous d’où cela vient, Ringuet ? Je vous le donne en cent mille ! De Rhagès, à ce qu’il paraît. Ça ne vous dit rien ? Allons, l’histoire ancienne : les Perses… Gengis Khan… le siège de Rhagès avec le pillage, le massacre, le viol, l’incendie, tout le trem­blement. En tout cas, il paraît qu’on y faisait des faïences fort belles et même de la verrerie. Or on aurait tiré ceci des ruines de Rhagès.

« Mais de Rhagès à Montréal il y a loin. Eh bien ! Voilà :