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L’ÉTRANGER



Mon ami Dalbret, le chirurgien, pousse jusqu’à la fureur sa passion de l’ordre ; et l’ordre, pour lui, consiste à ne tolérer que le strict nécessaire. Son ca­binet, où tant de gens sont passés, et son petit appar­tement dont la plupart ignorent même l’adresse, affi­chent tous deux une nudité voulue. C’est qu’il a en horreur une chose : le bibelot !

Aussi avais-je été surpris d’apercevoir chez lui, en­foui dans un coin de meuble, une espèce de chose indéfinissable, sans forme ni couleur précise, mais qui avait vaguement l’air d’une coupe, d’un bibelot ! Je ne pus tenir de lui demander ce que cela faisait chez lui. La seule réponse que j’obtins fut : « Ça ! C’est sans importance. » Il n’y avait pas de quoi éteindre le feu de ma curiosité. Mais, le connaissant, je n’osai pas insister.

Les années qui passèrent nous lièrent d’une amitié où il fournissait une part dont je l’aurais cru incapable ; il sembla même incliner vers une certaine confiance, étonnante chez lui, mais qui naquit sans doute de notre commune et nouvelle passion pour les belles reliures. Et c’est ainsi qu’un jour, mon regard s’égarant