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sept jours

Le soir même il prit son sac et monta dans l’autobus. Il passa dans les rues étroites et presque vides, ignorant que chaque persienne filtrait un regard curieux.


DIMANCHE


Le soleil magicien se leva, grandit, flamba, chassant la fraîcheur et l’ombre, effaçant le vent et l’orage. Montant dans le ciel pâli, son ascension parut le rapprocher de la terre et des hommes. L’air se fit tiède, puis chaud. Et ce fut la première vraie journée d’été, alanguissante et heureuse.

Comme tous les dimanches, on se retrouvait à la sortie de la grand’messe, sur le terre-plein ; la foule petite des paroissiens se fractionnait en groupes, gens du village et gens de la terre mêlés ; et les notables passaient de l’un à l’autre, partout mêmement accueillis.

Monsieur le Curé avait, comme par hasard, longuement prêché sur la charité chrétienne ; un de ces prônes familiers dont il avait le secret ; aussi bien n’en faisait-il point d’autres.

Tout le monde d’ailleurs s’apitoyait sur madame Frenette ; on venait d’apprendre que son enfant, le petit de dix ans, avait été renversé le matin même par une auto américaine ; il s’en était tiré avec une jambe cassée, mais on avait dû le transporter à l’hôpital de Montréal. Et dans le village, cet accident prenait figure de catastrophe, les touchait tous, tant les fils de leur vie étaient inextricablement mêlés.