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LE SACRILÈGE



Àdemi caché par le rideau gonflé de la grand-voile, le noir massif du mont Taimanou bloquait tout un pan de ciel tropical. L’île de Vavaou, c’était cette montagne et quelques autres blocs cyclopéens aux sommets découpés comme les dents d’une scie monstrueuse. La goélette, sentant le copra et le mazout, courait, légèrement penchée par l’alizé, le long du récif de corail, le frôlant dans son vol uni d’albatros ; elle cherchait la passe qu’il fallait se hâter de franchir avant la nuit ; car les brisants montraient déjà une pâle ligne de phosphorescence. Le capitaine Toupaha était à la barre, ses cheveux noirs de maori, qu’il portait un peu longs, rayant les traits fins du visage.

— Alors nous trouverons à manger, capitaine ?

— Sûrement ! Ouité sait que nous devons arriver aujourd’hui. Le cochon doit cuire dans les pierres depuis midi, avec des plantains et des taros. Il y aura peut-être du poé que sa vahiné, sa femme, réussit comme personne.

— Bon. Et il y aura à boire ? Ce serait épatant de trouver de cette boisson d’oranges sauvages, comme à Rapa-iti, la dernière fois. Cela s’appelle quoi donc ?