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Corps remagnétisé pour les énormes peines,
Tu rebois donc la vie effroyable ! tu sens
Sourdre le flux des vers livides en tes veines,
Et sur ton clair amour rôder les doigts glaçants !

Et ce n’est pas mauvais. Tes vers, tes vers livides
Ne gêneront pas plus ton souffle de Progrès
Que les Stryx n’éteignaient l’œil des Cariatides
Où des pleurs d’or astral tombaient des bleus degrés.

Quoique ce soit affreux de te revoir couverte
Ainsi ; quoiqu’on n’ait fait jamais d’une cité
Ulcère plus puant à la Nature verte,
Le Poète te dit : « Splendide est ta Beauté ! »

L’orage t’a sacrée suprême poésie ;
L’immense remuement des forces te secourt ;
Ton œuvre bout, la mort gronde, Cité choisie !
Amasse les strideurs au cœur du clairon lourd.

Le Poète prendra le sanglot des Infâmes,
La haine des Forçats, la clameur des maudits ;
Et ses rayons d’amour flagelleront les Femmes.
Ses strophes bondiront, voilà ! voilà ! bandits !