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usuelle, sans bruit, sans rien renverser, sans rien entreprendre d’extraordinaire, comme si elle n’était qu’une visite. Oui, cela rapproche singulièrement cette chambre de moi. Tout se déroulera ici, sur cette scène étroite, et ces dernières circonstances différeront à peine de tous les autres événements qui se sont produits ici, ou qui m’attendent encore. Tout enfant déjà, je trouvais singulier que les hommes parlassent de la mort autrement que de toutes les autres circonstances, et cela simplement parce que personne ne trahit rien de ce qui lui arrivera ensuite. Mais comment un mort se distingue-t-il d’un homme qui devient sérieux, qui renonce au temps, et s’enferme pour méditer tranquillement quelque chose dont la solution depuis longtemps le tourmente ? Lorsqu’on est entouré de gens, on ne peut même pas se rappeler le Notre Père ; à plus forte raison, comment donc pourrait-on se souvenir de quelque autre correspondance obscure qui ne consiste peut-être pas en mots, mais en événements ? Il faut aller à l’écart, dans je ne sais quel silence inaccessible, et peut-être les morts sont-ils justement des