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presque pour chaque jour. Mais je suis, tu le sais, le plus savant de tout le gouvernement, et mon père connaissait toutes les chansons de la Russie, et même des chansons tartares. Tu es encore jeune, et c’est pourquoi je ne t’ai pas encore conté les plus beaux bylins, où il y a des mots pareils à des icones, et que l’on ne peut même pas comparer aux mots ordinaires. Et tu n’as pas encore appris à chanter ces mélodies que personne, fût-il cosaque ou paysan, n’a jamais pu entendre sans pleurer.

Timofei répétait cela à son fils, tous les dimanches et tous les jours de fête de l’année russe, c’est-à-dire assez souvent. Jusqu’à ce que celui-ci, après une discussion violente, disparût en même temps que la belle Ustienka, la fille d’un pauvre paysan.

La troisième année qui suivit cet événement, Timofei tomba malade, à l’époque précisément où l’un de ces nombreux cortèges de pèlerins, qui de toutes les régions de l’empire se dirigent vers Kiew, allait se mettre en route. Et l’on vit alors Ossip, le voisin de Timofei, entrer chez le malade :

— Je pars avec les pèlerins, Timofei