Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

une chose noire et vacillante. Au même instant, la main gauche de Dieu qui était couchée devant son sang ouvert, commença de s’agiter, et tout à coup, avant que Dieu pût l’en empêcher, elle quitta sa place et erra comme folle au milieu des étoiles et cria : « Oh, la pauvre main droite, et dire que je ne peux pas l’aider ». En même temps elle tiraillait le bras gauche de Dieu, à l’extrémité duquel elle était pendue, et s’efforçait de s’échapper. Mais toute la terre rougit du sang de Dieu, et l’on ne pouvait plus distinguer ce qui se passait en dessous. Il s’en fallut peu alors que Dieu ne mourût. Par un suprême effort il rappela sa main droite ; elle vint, pâle et tremblante, et se coucha à sa place, comme un animal malade. Mais la main gauche elle-même — qui cependant savait bien des choses puisqu’elle avait reconnu la main droite de Dieu, en bas, sur la terre, lorsque celle-ci, vêtue du manteau rouge, avait gravi la montagne — ne put apprendre de sa sœur ce qui, ensuite, s’était passé sur cette montagne. Cela doit avoir été effroyable. Car la main droite de Dieu ne s’en est pas encore remise, et elle ne souffre pas moins de son