Page:Rilke - Histoires du Bon Dieu.pdf/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je pense, quand Dieu connaîtra l’aspect de l’homme que ses mains ont lâché contre sa volonté.

Madame la voisine réfléchit, puis elle eut un rire :

— Mais il n’aurait eu qu’à regarder en bas.

— Pardonnez, répondis-je gentiment, votre remarque témoigne d’un esprit très subtil, mais mon histoire n’est pas encore finie. Or donc, lorsque les mains se furent effacées et que Dieu put de nouveau dominer la terre du regard, une minute de nouveau s’était écoulée, ou disons : un millénaire, ce qui, nous le savons, revient au même. Au lieu d’un homme, il y en avait un million. Mais tous étaient déjà habillés. Et comme la mode était alors justement très laide, Dieu se fit des hommes une idée très fausse et — je ne veux pas le dissimuler — plutôt défavorable.

— Hum, fit la voisine qui voulait dire quelque chose.

Mais je n’y pris pas garde et conclus avec une intonation appuyée :

— Et voilà pourquoi il est indispensable et urgent que Dieu apprenne comment l’homme