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Deux importantes remarques se rattachent à ceci. Et d’abord, veuillez bien observer la connexion merveilleuse entre les diverses branches des hautes Mathématiques, car voici un problème qui semble appartenir aux éléments de la théorie des nombres et qui trouve une solution bien inattendue au moyen de recherches les plus fines de la théorie des fonctions. Et ensuite, je dois remarquer que les démonstrations de Riemann, comme il en fait lui-même l’observation, ne sont pas complètes et que même aujourd’hui, malgré de nombreux efforts en ces tout derniers temps, elles n’ont pu encore être établies sans quelques lacunes. Riemann doit avoir beaucoup travaillé à l’aide seule de l’intuition. Et ceci s’applique, il est nécessaire de le dire aussi, à la manière dont il a posé les principes de base de la théorie des fonctions.

En effet, Riemann y emploie un procédé de raisonnement dont on fait souvent usage en Physique mathématique et qu’il a désigné, en l’honneur de son maître Dirichlet, sous le nom de principe de Dirichlet. Il s’agit de la détermination d’une fonction continue, pour laquelle une certaine intégrale double doit atteindre un minimum et le principe[1] susdit sous-entend, dans le traitement de la question, que l’existence d’une telle fonction est évidente par soi.

Or Weierstrass a montré qu’il y a là une conclusion défectueuse. Il se pourrait, en effet, que le minimum, que nous cherchons, désignât seulement une limite que l’on ne puisse jamais atteindre dans le domaine des fonctions continues. Ainsi une grande partie des développements de Riemann menaceraient ruine. Mais non, au contraire ; car malgré cela, les féconds résultats que Riemann établit à l’aide du principe susdit sont tous parfaitement exacts, comme l’ont démontré en détail plus tard Karl Neumann et Schwarz

  1. Par principe j’entends ici, contrairement par conséquent à une manière de s’exprimer très répandue, l’enchaînement, la marche du raisonnement, et non les résultats qu’on en déduit. À cette occasion, j’attire l’attention sur un Mémoire de W. Thomson (Lord Kelvin), publié en 1847 dans le Journal de Mathématiques de Liouville, t. XII, et qui a été trop peu étudié par les géomètres allemands. Le principe en question y est énoncé en grande généralité. — (F. Klein).