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nions de table ; je lui dis que je l’écouterais avec beaucoup de plaisir ; et aussitôt il entonna d’une voix forte et très-animée une chanson tartare. Les couplets faisaient allusion à la paix conclue entre nos deux pays, et à la grande amitié qu’il a pour moi.

« Après qu’il eut terminé son chant, Ke-ying détacha de son bras un riche bracelet en or, fermé par deux mains croisées, et le passa au mien. Il me dit que ce bracelet avait appartenu à son père, qui le lui avait donné lorsqu’il avait onze ans ; qu’il portait ce bracelet depuis plus de quarante ans, et que le pareil était à Pékin, entre les mains de sa femme. Il ajouta que son nom était gravé dans la paume d’une des mains en caractères mystérieux, et que si je voyageais en Chine, ses amis me recevraient comme leur frère en leur montrant ce signe. Dans le courant de la soirée, Ke-ying me dit qu’il espérait aller à Pékin dans trois ou quatre ans ; qu’alors il m’enverrait chercher, et que d’ici ce temps-la je devrais lui écrire si je restais en Chine ou si je retournais en Angleterre. Il ajouta que si l’Empereur me voyait, il me donnerait une plume de paon à deux yeux, la plus haute marque d’honneur en Chine, parce que j’avais une grande réputation dans ce pays. Nous nous levâmes de table et passâmes dans le salon. Je présentai à Son Excellence une très belle épée que j’ai fait apporter d’Angleterre par le lieutenant Malcolm[1] pour lui en faire cadeau. Ke-ying la reçut avec beaucoup de plaisir. Il la ceignit tout de suite et ne la voulut plus quitter jusqu’à son départ.

« Lorsqu’il me quitta, il jeta son pardessus sur mes épaules, en me disant que ce vêtement de soie avait été donné à son père par l’empereur Khian-Loung (mort en 1799).

  1. Ce fut cet officier qui porta le traité à la reine Victoria. Cette pièce, signée par l’empereur Tao-kouang avec du crayon rouge et revêtue du sceau impérial, était renfermée dans une boîte de bois de sandal, enrichie de pierres précieuses. Le tout était enveloppé dans un étui de soie jaune, couleur réservée à la famille impériale depuis le règne de Hoang-li.