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dent ce mal nécessaire, trouvent trop d’avantages dans cette branche de commerce pour y renoncer. Les bénéfices sont en effet considérables ; ainsi une caisse d’opium achetée mille francs à Bombay, dans l’Inde, se vend trois mille sept cents francs sur les côtes de la Chine. Le prix a été porté dans ces derniers temps à six mille cinq cent vingt-cinq francs. On comprend qu’une nation marchande, comme celle des Anglais, n’ait pas voulu abandonner une source si féconde de richesses[1].

Les relations de commerce qui existaient depuis plus de deux siècles entre les deux peuples, et qui n’avaient été suspendues qu’à de rares intervalles, furent enfin interrompues au mois de mars 1859. Le mandarin Lin, haut commissaire, envoyé à Canton par la cour de Pékin, publia un édit pour mettre un terme au commerce de l’opium. Divers actes d’hostilités commis contre les Européens suivirent ce manifeste. Tous les marchands anglais furent arrêtés, et pour prix de leur rançon Lin demandait les caisses d’opium qu’on allait débarquer. Il fallut céder, et on remit aux mandarins plus-de vingt mille caisses dont, la valeur s’élevait au delà de soixante-deux millions. La résistance eût été en effet très-nuisible au commerce des Anglais, car les thés qu’ils achètent chaque année à la Chine en grande quantité (près de quarante millions de livres) étaient encore dans le port de Canton, et rien n’était plus facile aux mandarins que de s’en emparer.

Les Anglais durent, donc céder ; mais à la nouvelle de ces graves événements le cabinet de Londres adressa des représentations au gouvernement, chinois, et les fit appuyer par une flotte nombreuse

  1. Le commerce de l’opium s’est encore augmenté depuis la cessation de la guerre des Anglais avec la Chine. Ainsi d’après des calculs authentiques, basés sur le nombre des caisses d’opium mises en vente, il résulte que l’importation de cette dangereuse production coutera aux Chinois dans le courant de l’année 1844, 26 millions 978 000 dollars ; ou bien en francs, en calculant le dollar à sa valeur intrinsèque 5 fr. 42 c., 146 millions 220 760 fr. (Journal des Débats du 26 mai 1844).