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telle. Mais les princes de la famille de Gengiskan n’héritèrent point des talents de You-pi-lie. Ces Barbares se laissèrent amollir par les délices du climat, énerver par tous les raffinements de la civilisation chinoise. Enfants dégénérés d’un grand prince, ils traitaient leur empire en pays conquis. Ils devaient succomber. Les vaincus reprirent les armes avec tout le courage du désespoir ; des troubles éclatèrent sur divers points, et chaque jour les insurgés virent grossir leurs rangs. La misère du peuple était horrible ; en 1334, plus de treize millions d’hommes moururent de faim dans les provinces méridionales ; quelques années après, les malheureux furent obligés de se nourrir de chair humaine. Enfin, en 1352, un jeune homme nommé Tchou, ancien cuisinier dans un monastère de bonzes, fils d’un pauvre laboureur, se mit à la tête des révoltés et résolut de mourir ou de délivrer sa patrie. Il appela aux armes tous les hommes de cœur, s’empara des villes les plus importantes et battit les Tartares dans plusieurs batailles. Chun-ti, le dernier empereur mongol, s’enfuit en Tartarie avec sa cour, et laissa le trône au vainqueur, qui fut proclamé empereur sous le nom de Houng-wou (le grand guerrier).

Le fondateur de la nouvelle dynastie, le libérateur de la Chine, était un de ces hommes extraordinaires « destinés, suivant l’expression des Chinois, à tenir la place du ciel pour gouverner les hommes sur la terre. » Sorti des rangs du peuple, il n’oublia jamais son origine, et tous ses efforts tendirent à mettre un terme à la misère des basses classes. Quelque temps après son élection, se promenant dans la campagne autour de Nankin avec son fils aîné, il lui dit :

« Voyez, mon fils, tous ces champs ; examinez avec quelle activité toute cette multitude d’hommes dispersés çà et là travaillent ! C’est que c’est à présent le temps où ils doivent confier à la terre la semence destinée à produire des fruits dans une autre saison.