Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que lui seul est grand, éternel, et combien est stérile l’orgueil humain. À peine Chi-Hoang-ti eut-il rendu le dernier soupir que des troubles éclatèrent ; les princes feudataires reprirent leur indépendance, et la dynastie de Thsin s’écroula au milieu du sang. Le dernier empereur fut assassiné comme ses prédécesseurs, et le pouvoir suprême se vit à la merci du plus fort. Deux chefs guerriers se disputèrent le trône, et cette lutte fut horrible ; plus de six cent mille hommes y périrent en l’espace de cinq ans. Enfin Lieoupang renversa son compétiteur, après avoir livré dix-sept batailles rangées, et fut proclamé empereur sous le nom de Kao-tsou. Sa dynastie produisit quelques hommes illustres. Sous Wen-ti (l’empereur ami des lettres), la Chine répara les désastres de la guerre civile. La mémoire de ce bon prince est encore révérée dans l’Empire. Son petit-fils, Wou-ti (l’empereur guerrier), illustra également son règne par son courage et ses talents ; il repoussa les Tartares, recula les frontières de l’Empire, et fut, comme son aïeul, un protecteur éclairé des lettres ; c’est à lui qu’on doit la fondation d’une bibliothèque impériale. Malgré son caractère belliqueux, Wou-ti montrait en toute occasion un esprit de sagesse qu’on est étonné de trouver chez la plupart de ces despotes asiatiques. Un charlatan lui ayant apporté un élixir qui donnait, disait-il, l’immortalité, un de ses ministres essaya vainement de désabuser l’Empereur et de lui prouver l’imposture. Wou-ti persistant, le mandarin prend la coupe et boit la liqueur. Grande colère du prince qui condamne le mandarin au dernier supplice ; mais celui-ci, sans s’effrayer, lui répond :

« Si ce breuvage donne l’immortalité, il te sera impossible de me faire mourir ; et s’il ne la donne pas, aurais-tu le courage de m’ôter la vie pour une faute si légère ? »

L’Empereur se calma aussitôt et récompensa dignement le courage du mandarin. L’histoire de la Chine est pleine de ces traits.