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resta relégué dans les rangs inférieurs ; sa laideur physique semblait lui être fatale, et il en subissait à son insu la maligne influence. D’un caractère morose qu’expliquaient les mauvais traitements qu’il avait endurés pendant ses jeunes années, il n’osait se produire dans le monde et en arrivait parfois à douter de son propre mérite. Aussi faisait-on peu attention à lui ; tout réussissait au contraire au brillant Wang-po. Son extérieur séduisant, sa facilité d’élocution et surtout un grand esprit d’intrigue le poussèrent rapidement dans la voie des dignités et des honneurs ; il ne manquait d’ailleurs pas de capacité, car le talent s’unit malheureusement trop souvent aux plus mauvaises qualités. Après avoir rempli divers postes importants, il reçut le titre de grand maître de la doctrine (ta-hio-sse), qui est le grade honorifique le plus élevé, et fut appelé aux fonctions de gouverneur général de la belle province de Hou-Quang. Dissimulant ses défauts et cachant ses vices à tous les yeux avec une adresse merveilleuse, il avait acquis auprès de l’Empereur et parmi le peuple une réputation de probité à toute épreuve. Ses parents, dont l’aveuglement n’avait point cessé, parlaient de lui avec enthousiasme, et ce fut partout un concert d’éloges lorsqu’il fit nommer à la place de trésorier général de sa province, Kia-Tan, qui passait, sinon pour un méchant homme, du moins pour un frère peu affectueux et d’un caractère peu sociable.

Arrivé au poste le plus important qu’il pouvait ambitionner, Wang-po s’abandonna à tous ses mauvais instincts, mais en sauvant avec soin les apparences ; il joignait l’hypocrisie à l’infamie. Aussi ne fut-il même pas soupçonné, lorsque des visiteurs impériaux écrivirent au second tribunal de Pékin que le plus grand désordre régnait dans les finances de la province dont il était gouverneur. Il manifesta une vive indignation et déclara qu’il était coupable de n’avoir pas dénoncé plus tôt le trésorier général, dont les