Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelle de ce projet anéantit le pauvre Hoang ; il se jeta aux pieds de son père et le supplia, les larmes aux yeux, de le laisser dans son obscurité. « Je n’ai aucun goût pour le mariage, disait-il ; d’ailleurs je suis encore trop jeune. » On lui répondit qu’il était d’un âge à prendre la direction d’une maison, qu’il s’habituerait très-facilement à sa nouvelle condition, qu’enfin il était trop tard et que les fiançailles étaient conclues. Il était inutile d’insister. Hoang se retira dans son appartement, en maudissant le sort et regrettant de ne pas être confondu avec ces pauvres bateliers qui parcouraient les canaux de Chao-Hing. Comme vous le pensez bien, ce qui excitait l’aversion du jeune mandarin pour le mariage, c’était l’idée de quitter sa retraite, de paraître en publie, d’occuper l’attention des oisifs de la ville. Comment ferait-il pour sortir avec le cortège nuptial, pour se présenter devant sa nouvelle famille ? C’était à en mourir de honte et de confusion. Et pourtant sa fiancée était, disait-on, bien jolie, et elle appartenait à l’une des meilleures familles de la province de Tche-Kiang.

Pendant que les grands parents terminaient le contrat de mariage, Hoang cherchait les moyens de rompre l’union qu’on lui imposait ; mais cela lui paraissait de plus en plus difficile. Son père le voulait, et en Chine un simple désir du chef de famille est un ordre pour les enfants. L’infortuné se désolait ; chaque soir, il arrêtait un plan qu’il trouvait impraticable le lendemain. Le plus souvent il prenait la sage résolution de vaincre sa timidité ; il s’armait de courage, il se répétait que lui, homme d’esprit et d’intelligence, pourrait bien se soumettre à un cérémonial traditionnel, respecté par les gens du peuple eux-mêmes. Puis ses craintes revenaient, et il allait cacher son désespoir dans les endroits les plus retirés. Un jour qu’il se promenait hors de la ville dans un petit bois de palmiers et de citronniers, il aperçut au bout de l’allée son futur beau-père et deux autres personnes de sa famille. Une sueur froide