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figures. Quelques-unes de ces vastes machines, renfermant une infinité de bougies, étaient de véritables spectacles ; on y voyait des marionnettes de grandeur humaine. Le génie grotesque et fantastique des Chinois se donne carrière dans cette fête. Pas une lanterne ne se ressemble. Les unes représentent sur leurs dessins des jardins et des paysages ; d’autres des marines, des scènes militaires ou bouffonnes. Je vis plusieurs machines figurant des dragons gigantesques, également en transparent, et qui, par le moyen de ressorts cachés, faisaient mille contorsions. La plupart des grandes lanternes sont entourées d’ornements sculptés et décorées d’immenses rubans de toutes couleurs.

Les rues étaient encombrées par la foule, et, ce qui augmentait la singularité du spectacle, c’est que presque tous les promeneurs portaient à la main ou au bout d’un bâton une petite lanterne. Partout régnait une grande gaîté ; on n’entendait que des chants joyeux et le bruit des instruments. Je parvins à gagner le bord du canal, de la ville d’eau, comme disent les Chinois, et là ma surprise redoubla. Toutes les jonques de guerre, les champans, les bateaux de pêcheurs, étaient ornés de lanternes ; au milieu passaient rapidement une multitude de gondoles pavoisées et également illuminées : — Arrivez donc ! me dit mon hôte, vous allez voir le feu d’artifice. — Je pris place dans une petite embarcation, et nous avançâmes au milieu du canal. Le feu, ou plutôt les feux d’artifices, car ils recommençaient à chaque instant, étaient admirables. Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau dans ce genre à Paris ; Ruggieri en serait mort de dépit. Les dessins les plus difficiles sont exécutés avec une adresse infinie ; les lanternes, comme vous le pensez bien, y jouaient un grand rôle. Ce qui m’a le plus émerveillé, c’est une treille de raisins, qui ne se consuma que lentement ; les lignes de feu faisaient distinguer jusqu’aux feuilles et aux fruits des grappes.

La fête des Lanternes, qui n’a lieu qu’une fois par an dans tout