Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Le hanlou (chemin de terre), dit-il, est tout ce que l’on peut imaginer de plus détestable. Quelquefois accroupi sur une misérable brouette, j’étais paresseusement traîné par deux hommes qui s’arrêtaient à toutes les auberges, à tous les hangars qui bordaient le chemin : c’était pour fumer la pipe, pour boire le thé, pour causer un instant, pour avoir enfin le plaisir de s’arrêter. Une autre fois j’étais inauguré sur un énorme chariot, auquel se trouvaient attelés pêle-mêle des chevaux, des bœufs, des mulets et des ânes. Notre cocher était un petit sans-souci de Chinois tout rebondi et d’une somnolence désespérante : il était continuellement endormi sur son siège, c’est-à-dire sur le brancard de la voiture. À tout instant j’étais obligé de le pousser du bout de ma longue pipe, et puis de le prier avec politesse de vouloir bien faire attention à sa mécanique, car je ne sais quel autre nom donner à son équipage. Cet intéressant cocher avait le sommeil si profond, que plus d’une fois il lui est arrivé de se laisser tomber et de rester endormi au milieu des chemins. Je descendais alors, j’allais réveiller tout doucement, et il retournait à son poste moitié riant, moitié jurant contre son abominable métier, qui ne lui permettait pas de dormir tout à son aise… Outre les brouettes et les chariots, je me suis servi, durant ma route, de toute espèce de monture. Tantôt c’était un cheval bien rabougri et bien flegmatique, tantôt un mulet flâneur comme un avocat sans cause. Pendant quelques jours je me suis vu à califourchon sur un petit âne gris : je soupçonne cet âne-là de m’avoir reconnu comme Européen ; je ne pourrais autrement m’expliquer sa grande répugnance à me souffrir sur son dos. Enfin il m’est arrivé de cheminer économiquement, monté sur mes jambes que j’ai rarement trouvées complaisantes, et dont j’ai fort peu à me louer. Vous comprendrez aisément que tous ces moyens de transport, et surtout le dernier, sont peu remarquables par leur agrément et par leur célérité ; si encore le bon état, la propreté