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Grâce aux larges épaules de mon guide, qui me faisait un passage à travers la foule, je parvins au bout d’une heure à la maison du cousin du vice-roi, pour lequel j’avais une lettre de recommandation. Je présentai au portier, suivant l’usage, un billet, sur lequel j’indiquais mon nom, ma qualité et le sujet de ma visite. Bientôt après, parut dans le vestibule une sorte d’intendant, qui, après force génuflexions, me dit avec toutes les formes de la poslitesse exquise qui caractérise les Chinois, que son maître était au palais impérial et qu’il serait vivement fâché de ne m’avoir pas vu. Je lui remis la lettre du vice-roi, qu’il reçut à genoux, et il m’accompagna hors de la maison avec les mêmes marques de respect. Je vous avoue, mon respectable ami, que j’ai eu un petit mouvement d’orgueil, je me suis cru un grand personnage ; mais la politesse des Chinois, quoique proverbiale, ne tire pas toujours à conséquence ; c’est un usage, et voilà tout. En Asie, comme en Europe, on comble très-souvent de prévenances un homme qu’on déteste cordialement.

Quoique déjà fatigué, je me fis conduire au palais impérial, que j’eus tout le loisir de contempler à l’extérieur, car pour visiter les appartements, il ne faut pas y songer ; un pauvre barbare tel que moi n’est pas digne de regarder la face impériale. L’ancien palais a été incendié en 1680. Le nouveau est immense ; mais, comme toutes les résidences princières, il est plus remarquable par la multitude des bâtiments, des cours et des jardins, que par l’élégance de l’architecture : sa circonférence est de plus de quatre kilomètres. Les abords en sont défendus par un large fossé, sur lequel on a jeté un pont, qui représente un dragon gigantesque. Ce dragon, en jaspe noir, paraît être d’une seule pièce, tant les pierres en sont bien liées ; les pieds servent de piliers, le corps forme l’arche du milieu, la queue en forme une autre, et la tête une troisième. Les jardins dépendants du palais sont fort étendus ;