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rayons d’un soleil bienfaisant. Chun s’arrêta tout à coup, et levant vers le ciel ses mains ridées et tremblantes, il s’écria en soupirant :

— Ah ! quel fardeau que celui de l’empire ! que de peines pour gouverner avec sagesse ! Procurer au peuple les biens de la terre, le préserver de ce qui peut lui être nuisible, et surtout le rendre vertueux, voilà les premiers devoirs du prince : et moi, puis-je me flatter de les remplir ? Mettre l’union et la paix dans le pays, porter un œil attentif sur tout, ne pas abandonner les pauvres et les malheureux, ni laisser dans l’obscurité les gens sages et démérité, voilà les préceptes que mon vénérable prédécesseur, l’empereur Yao, pratiqua et moi, ai-je été assez heureux pour l’imiter, même de fort, loin ?

— L’Empire est bien gouverné, dit le premier ministre en s’inclinant avec respect ; partout, on célèbre les louanges de Chun.

— Je ne m’abuse pas, mon fidèle Yu. Jamais je ne serai aimé de mes peuples comme l’a été Yao. Un jour qu’il passait seul et inconnu sur une place publique, il entendit des enfants qui chantaient les vers suivants :


De tous ceux qui ont éclairé et gouverné le peuple,
Il n’en est aucun qui l’égale.
Si on n’apprend pas à le connaître, on ne sait rien ;
Il faut, suivre l’exemple de l’Empereur.


Hélas ! que n’en dit-on autant de moi !

— La flatterie est le plus dangereux des reptiles, reprit Yu ; mais en toute occasion je vous dois la vérité comme à mon seigneur et maître. Eh bien ! les mandarins ainsi que les gens du peuple ne cessent de vous rendre justice. Vous êtes aimé comme un bon empereur, et béni soit le jour où Yao vous a appelé pour lui succéder. Que je meure à l’instant si ma bouche ne dit la vérité !

Yu prononça ces paroles d’un ton si convaincu et si pénétrant