Page:Richomme - Contes chinois, précédés d'une Esquisse pittoresque de la Chine, 1844.pdf/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il était neuf heures du matin ; les élèves venaient de déjeuner, et, rangés sur deux rangs, dans le jardin de l’école, ils attendaient le signal du maître pour rentrer dans la classe, lorsque Siang aperçut une jeune femme qui s’avançait vers lui, tenant par la main un bel enfant de sept à huit ans. Elle était revêtue d’une longue robe blanche, car elle portait le deuil de son mari, mort depuis près de trois ans[1], et ses cheveux noirs produisaient un contraste qui rehaussait encore l’éclat de sa beauté ; l’enfant avait, suivant l’usage, pour tout habillement, une robe blanche de toile, un bonnet, des caleçons et des bottines de même étoffe avec une ceinture de corde. Siang, reconnaissant la veuve de l’ancien gouverneur de la ville, accourut au-devant d’elle et l’accueillit avec la distinction que méritait son rang.

— Maître, dit la jeune femme en lui présentant l’enfant, voici mon fils, Kieou, que j’ai surnommé Tchoung-ni, ma seule consolation sur la terre, l’espoir de ma vieillesse ; il me donne déjà un légitime orgueil, il fait l’admiration des vieillards ; je puis le dire devant lui, car il est aussi modeste que sage. Mais il lui manque les leçons de Siang pour devenir un homme savant dans les six arts libéraux. Je vous prie donc de vouloir bien le recevoir dans votre école.

Et prenant des mains d’une servante une petite corbeille, elle présenta à Siang la portion de thé que l’écolier doit offrir chaque jour à son instituteur.

— Je sais que Tchoung-ni, répondit le maître, se distingue des enfants de son âge par sa douceur et son obéissance ; je suis au comble de la joie d’avoir un aussi bon élève. Il a hérité de toutes

  1. Le blanc est la couleur du deuil chez les Chinois. On le porte trois ans pour son père et sa mère, et un an pour un frère. Les femmes le portent trois ans pour leurs maris, et les maris un an pour leurs femmes.