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Je compris qu’ils étaient tous deux
Les jouets du sort hasardeux,
Trompés dans leurs vœux l’un et l’autre,
Puisque le mal était venu
Du divin rêveur ingénu,
Et le bien de l’immonde apôtre.



La double vision alors s’évanouit,
Tandis qu’on ricanait près de moi dans la nuit.



« Maître, de quoi ris-tu ? — De toi, pauvre imbécile.
« Tu crois avoir compris, donc ? — Dame ! C’est facile.
— Et te voilà pour lors dûment persuadé
« Qu’il n’est ni bien ni mal, que tout est coup de dé ?
— Certes, puisque je vois que nul ne sait d’avance
« Avec quels avenirs il est de connivence.
— Et ta conclusion ? — Vivre en pur animal
« Sans distinguer le vrai du faux, le bien du mal.
— Ta raison s’y refuse. — Et si je la fais taire ?
— Impossible ! À tout acte elle ouvre un inventaire,
« Examine, compare, et l’avant, et l’après,
« Puis juge, et, qu’on le veuille ou non, rend des arrêts.
— Mais ces arrêts sont vains, si je ne les écoute.