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« Et vous n’auriez pas lâchement,
« Subi pour un rêve qui ment
« Vos dix-huit siècles d’esclavages.

« Pardon, ô frères que j’aimais.
« Ne vous courbez plus désormais.
« Redressez-vous, la tête altière.
« Les mots de douceur que j’ai dits
« N’ont pas rouvert le paradis.
« C’étaient des clefs de cimetière.

« Malheur à moi ! Car c’est en vain
« Que j’ai versé mon sang divin.
« On en a fait un pus immonde
« Dont le flux pestilentiel,
« Corrompant la terre et le ciel,
« A semé la mort sur le monde.

« Malheur à moi ! Dans mon linceul
« Je ne me suis pas couché seul ;
« Mais j’ai, conviant à ma table
« Le pauvre et le déshérité,
« Crucifié l’humanité
« Aux bras de ma croix lamentable. »