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MES PARADIS


LVIII


Enivre-toi quand même, et non moins follement,
De tout ce qui survit au rapide moment,
Des chimères, de l’art, du beau, du vin des rêves
Qu’on vendange en passant aux réalités brèves.
Si tes rêves sont morts, tâche que pour tombeau
Ils aient un monument immortellement beau
Avec un fier poème inscrit qui les rappelle ;
Et qu’ainsi le tombeau puisse être une chapelle
Où les siècles futurs viennent en pèlerins
Admirer la splendeur des marbres, des airains,
Réveiller dans la nuit tes vers dits à voix haute,
Et, (qui sait ?) retrouvant la foi qui te fit faute,
Au sanctuaire éteint s’agenouiller, dévots,
Et sur ton vieil autel prier les dieux nouveaux !