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MES PARADIS

Elle l’aime, elle ira, puisqu’il veut ces batailles,
Dans la forêt des coups où pleuvent les entailles
Lui cueillir ses moissons de bouquets triomphaux
Dont les corps sont les fleurs, dont la mort est la faulx ;
Elle ira, le cœur gai, quoi qu’il exige d’elle ;
Elle ira jusqu’au bout, folle, ardente, fidèle,
Heureuse de son sang versé comme de l’eau ;
Et lorsqu’au bout de tout surgira Waterloo,
Après quinze ans de guerre et cent victoires vaines,
Le pâle sang qui roule encore dans ses veines,
Le hoquet d’agonie à ses lèvres éclos,
Sa suprême parole en suprêmes sanglots,
Et tout le pauvre peu qui lui reste de vie,
Elle les répandra, toujours folle et ravie,
Non à vomir sa foi, cause de tant d’horreur,
Mais dans un dernier cri de « Vive l’Empereur ! »
Eh bien ! c’est une foi semblable, c’est la flamme
D’un tel inextinguible amour au fond de l’âme,
C’est l’amour de l’amant dans l’amante fondu,
C’est la foi des grognards en leur petit tondu,
C’est le don de tout soi sans regrets, sans envie,
C’est d’être sous ce charme, à quoi je vous convie.
À ce fort magnétisme offrez-vous grands ouverts !
N’y cédez-vous donc pas déjà, quand de beaux vers,
Un discours fulgurant, une œuvre d’art vivante,
Un drame où la pitié jaillit de l’épouvante,