Page:Richepin - Mes paradis, 1894, 2e mille.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
338
MES PARADIS



Je le sais bien, Belle au bois dormant,
Qu’on ne peut être que ton amant,
Et qu’à tout le monde est refusée,
Même au plus grand, au plus immortel,
La gloire d’être devant l’autel
L’époux d’une pareille épousée ;

Je le sais bien, que, pris à tes glus,
Je ne serai jamais qu’un de plus
Dans le troupeau des mâles sans nombre
À qui ta stérilité défend
Tout espoir de te faire un enfant,
Toi dont la matrice n’est qu’une ombre ;

Je le sais bien, que tes amoureux
Deviennent ainsi des songe-creux,
Semeurs de néant dans l’étendue ;
Je le sais bien, et que je mourrai
Sans qu’à ton ventre en vain labouré
Germe, hélas ! ma semence perdue ;

Je le sais bien ; je t’aime pourtant,
Après tant d’autres, et tant, et tant,
Qui dans leurs bras pour rien t’ont saisie ;